Yury Boukoff à Pleyel

 

Les pianistes capables de remplir la salle Pleyel jusqu’au dernier strapontin se comptent sur les doigts. Yury Boukoff est de ce petit nombre, et son mérite est d’autant plus grand que le soir où il faisait salle comble avec un programme entièrement consacré à Chopin, l’Orchestre de Paris lui opposait une sérieuse concurrence aux Champs-Elysées.

C’est que le virtuose bulgare a son public, des mélomanes assurés d’entendre un pianiste non seulement doué d’une technique impressionnante, à toute épreuve, mais aussi un artiste intègre, d’un respect absolu envers l’auteur, au jeu puissant, profond, extrêmement nuancé.

J’admire surtout la clarté de son élocution, la netteté de son phrasé : la partition de la Fantaisie comme de la 3e sonate surgissent devant nos yeux, et se lisent avec une précision mathématique. Yury Boukoff cerne l’œuvre dans son tout et en possède une vision d’ensemble magistrale, avant d’en analyser les détails. D’où une interprétation solidement charpentée. Son jeu est viril et son lyrisme rigoureux. Il préfère les sonorités « piano », mais ne détimbre jamais, et sait à l’occasion être fougueux.

Ses doigts sur le clavier évoquent la démarche d’un félin, d’une lourde panthère musclèe dont la patte se pose avec souplesse, sans bruit, et qui peut décocher ses traits avec la rapidité de l’éclair. De la panthère, il a la couleur noire, profonde, sobre mais somptueuse.

R.S.

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