Il n’y a rien de plus difficile à jouer que les sonates pour piano et violon de Beethoven. En effet, le foisonnement incroyable de chaque page, joint à une écriture qui, souvent, défie les lois de la technique instrumentale, crée à un certain nombre de solistes, d’insurmontables difficultés, de sorte que le public reste devant ce qui n’est qu’une esquisse, une charpente, un squelette privé de chair et d’âme.
Avec Henryk Szeryng et Yury Boukoff, le miracle se produit, avec une déconcertante facilité. On sait que l’un et l’autre possèdent une maîtrise instrumentale incomparable; on sait que tous les deux sont des musiciens « de l’intérieur ». Mais on ne pouvait prévoir ce que donnerait leur association.
Trop de prestigieux solistes nous ont malheureusement habitués à d’amères déceptions à la suite de rencontre hasardeuses et passagères, pour que nous puissions, à l’avance, être sûrs d’un éventuel bonheur. Or, le couple Boukoff-Szeryng atteint, du premier coup, à une totale unité. Les contingences techniques s’effacent miraculeusement ry, du labyrinthe des traits et des arpèges, surgit l’esprit même des œuvres. Il est impossible de rêver un accord plus total entre deux respirations, entre deux cœurs.
Cela nous a valu, lors de ce premier « Concert Barg » consacré aux sonates de Beethoven, quelques moments admirables, comme le mouvement lent de la troisième Sonate, ou l’Allegro initiale de la spetième. La grande salle Pleyel devrait logiquement être trop petite pour accueillir le public, lors des deux prochains concerts.
La critique de Pierre-Petit